Le négoce à la Une Les Silos du Touch, 100 % soja du Sud-Ouest
Spécialisés dans le soja alimentaire non OGM de qualité, les Silos du Touch commercialisent 95 % de leur production à l’export, dont la moitié vers l’Asie. Leur activité progressant de 30 à 40 % par an, ils recrutent agriculteurs et salariés. Par Florence Jacquemoud Photos : Lydie Lecarpentier
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C’est Michel Bousin, agriculteur à Pouy-de-Touges, en Haute-Garonne, qui, en 2004, a créé les Silos du Touch. À l’époque, il avait lancé une petite filière de soja non OGM pour approvisionner deux industriels européens qui débutaient dans le lait de soja. Ces derniers désirant sécuriser leurs approvisionnements en grains de qualité, il a investi dans un outil permettant de répondre à leurs attentes. « Travailler le soja demande d’assurer une bonne conservation de la graine et d’éviter toute contamination avec des allergènes ou d’autres cultures, explique Paul Bousin, fils de Michel et directeur de l’entreprise dans laquelle il est entré en 2009. Nous devons garantir la pureté du produit à nos clients. »
De nouveaux hectares recherchés
Après un essai de fabrication d’huile et de farine qui a fait long feu en 2006, le négoce s’est recentré sur la production de graines exclusivement destinées à l’alimentation humaine. Au fur et à mesure, les Silos du Touch ont bâti un site qui leur permet aujourd’hui de stocker 15 000 t de grains, dans 14 cellules ventilées de différentes tailles. « Il s’agit de la seule usine de nettoyage en Europe dédiée au soja, note Paul Bousin. Nous y assurons l’allotement, le stockage, le tri, le conditionnement et l’expédition. En 2019, nous avons traité 30 000 t, soit 30 % de plus qu’en 2018. Nous avons doublé notre tonnage en trois ans et nous comptons encore le multiplier par deux d’ici quatre ans. » Seule la meilleure qualité de grains est commercialisée pour l’alimentation humaine, si bien que 15 à 20 % de la récolte part chaque année chez les fabricants d’aliments du bétail.
Les Silos du Touch travaillent actuellement avec 400 agriculteurs, qui cultivent 10 000 ha presque entièrement irrigués dans le Grand Sud-Ouest. Ceux-ci sont suivis par cinq agronomes, managés par Philippe Dedieu, responsable filière, qui espère embaucher rapidement un sixième technicien pour organiser la production et la collecte sur l’ouest du Gers et l’est des Landes. « La demande de notre clientèle augmentant, nous recrutons régulièrement de nouveaux producteurs, confie-t-il. Aujourd’hui, ils sont très à l’écoute, car le soja tire son épingle du jeu sur le marché et réalise la marge la plus importante de toutes les cultures, dans 95 % des cas. Lorsqu’on considère ce qu’il rapporte, ajouté à l’intérêt agronomique à l’introduire dans les rotations pour redynamiser les sols, le fait qu’il soit peu gourmand en intrants et que sa production utilise le même matériel que pour le blé ou le maïs, les agriculteurs sont gagnants. De plus, notre cahier des charges est simple à appliquer et accessible à tous. Nous recherchons la pureté, sur des lots de variété unique, et nous versons une prime à la qualité et à la fidélité des apporteurs. »
En 2012, deux ans après l’arrivée dans l’entreprise de Jean Bousin, frère de Paul, les exportations vers l’Asie ont débuté. « Il a pris son sac à dos et il est parti sur les routes pour développer les ventes, se souvient Paul Bousin. Depuis, c’est lui qui s’occupe de la commercialisation. » C’est en 2015 que ce travail a commencé à porter ses fruits. Aujourd’hui, l’entreprise exporte 95 % de ses volumes, la moitié en Asie et l’autre en Europe. Elle en vend un tiers en petits sacs de 25 et 30 kg marketés en bleu, blanc, rouge, sur fond de tour Eiffel, car l’image de la France est qualitative et vendeuse. Un autre tiers part en big-bags de 500 kg à 1 tonne et le reste en vrac par conteneur, un mode d’expédition « encore très peu vulgarisé, mais promis à un gros développement à l’avenir ». Les Silos du Touch négocient en direct, sans passer par les importateurs et les courtiers, ce qui nécessite de bien connaître les lois et les spécificités de chaque pays ; certains, en Asie, ayant mis en place des quotas pour les achats de soja.
Du soja comme ingrédient
« Nous sommes par ailleurs de plus en plus considérés comme des vendeurs d’ingrédients, même si notre soja n’est pas du tout transformé, précise le directeur, ce qui impose d’être très pointu sur la qualité. Dans les pays asiatiques, le soja est au cœur de l’alimentation, pour la fabrication de tofu, tonyu, sauce de soja… Nous avons une véritable carte à jouer sur ces marchés pour nous développer. »
L’augmentation des ventes et de la production des Silos du Touch s’est accompagnée du développement de l’usine de Pouy-de-Touges, où 80 % des infrastructures ont moins de cinq ans. Un nouvel investissement de 2,5 M€ sera bientôt réalisé sur le site pour changer certains équipements et augmenter le débit et la productivité. L’objectif est de passer de 30 000 t traitées par an, ce qui représente aujourd’hui 90 % de la capacité de production, à 45 000 t. La récolte a lieu une fois par an, mais les expéditions étant assurées toute l’année, l’usine tourne en 3×8. Et l’entreprise, qui ne fonctionnait qu’avec quatre personnes en 2014, compte désormais 26 salariés.
Pour compléter ses capacités de stockage, la PME compte sur les équipements des agriculteurs et loue cinq silos pouvant conserver 1 000 à 2 000 t chacun, dans le Gers, le Lot-et-Garonne et les Pyrénées-Atlantiques. « Nous allons investir 6 M€ supplémentaires d’ici deux ans, dans un nouveau site de stockage d’une capacité de 30 000 à 40 000 t, destiné au grand export en conteneurs, poursuit Paul Bousin. Mais nous n’avons pas encore trouvé le lieu d’implantation. »
Une appli spéciale agriculteurs
Outre le fait qu’ils soient monoproduit, les Silos du Touch se différencient aussi des négoces traditionnels par leur choix de ne vendre ni engrais, ni produits phytos. Et ils ne sont pas près de s’y mettre. « Ce n’est pas notre philosophie, nous sommes davantage dans le conseil, reprend le directeur. Nous ne voyons pas l’intérêt de nous battre contre les acteurs déjà en place, avec un fort risque de non-paiement. Nous préférons investir dans le digital. Nous avons consacré 1 M€ à la création de l’application pour smartphone TalkAG, que nous commençons à diffuser. »
Cette plateforme gratuite permet aux agriculteurs d’échanger en direct des conseils sur tous les sujets et de faire un retour d’expérience sur différentes thématiques (maïs, engrais verts, agricultures de conservation, élevage…). Une nouvelle adventice dans son champ ? Une invasion de punaises ? On prend une photo qu’on envoie à la communauté. Il y a toujours quelqu’un qui a eu à traiter le problème et propose une solution. L’agriculteur se sent alors moins isolé. Cet outil apporte une réactivité immédiate, ce qui est important à l’heure actuelle, mais il permet aussi de rayonner sur un large territoire. L’entreprise développe ce service, grâce aux réseaux sociaux, sur la France, ainsi que dans les pays africains francophones, une manne de 250 millions d’agriculteurs potentiels, acteurs d’une révolution verte sur le continent et qui ont déjà, pour beaucoup, intégré le digital dans leurs méthodes de travail.
Quinze jours après le lancement de TalkAG, l’appli avait déjà 1 000 utilisateurs. L’entreprise en espère 15 000 dès le mois de juin, date à laquelle elle lancera aussi des services sur abonnement. « Cette appli dédiée au monde agricole est un bon moyen de communiquer et de manager sa filière, ajoute Paul Bousin. Nous aurons, à terme, une grande bibliothèque de réponses aux différentes questions. À l’heure où les négociants et les chambres d’agriculture suppriment des postes de technicien, le digital a toute sa place pour prendre le relais. Nous souhaiterions d’ailleurs ouvrir son fonctionnement à des partenariats publics ou privés, pour nous soutenir dans notre démarche. »
Enfin, les Silos du Touch s’intéressent au secteur des semences. La recherche en France ayant stoppé ses travaux depuis plus de vingt ans, et les nouvelles variétés canadiennes n’étant pas adaptées au Sud-Ouest, il semble urgent de trouver des alternatives à Isidor, un des seuls sojas disponibles sur le marché, très coûteux pour les agriculteurs. La très grande majorité utilise d’ailleurs chaque année ses propres semences de ferme. La vente de semences pourrait permettre à l’entreprise de rééquilibrer son chiffre d’affaires, qui repose aujourd’hui à 99 % sur le négoce de soja.
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